Saynète « Comprendre le changement climatique »

‘ Les forêts précèdent les hommes, les déserts les suivent. » Chateaubriand.

Saynète parodique 1erCongrès international de l’Académie des sciences sainteniçoise sur le changement climatique

Des acteurs sur la scène, assis, se préparant à parler au public ; pas besoin de 29 acteurs, 2 suffisent ; M. ou Mme Loyal à gauche, légèrement en avant ; le souffleur devant les acteurs, à genoux, dos au public. Tous portant une pancarte permettant de les identifier + costume adéquat et ridicule. Paroles devenant de plus en plus  »bateau » et ridicules au fur et au mesure que le parleur monte en hiérarchie. Dialogues à la  »Ionesco » excepté ceux des plus jeunes énonçant des nouvelles scientifiques. Dans la salle : les spectateurs assistant peut-être pour la 1ère fois de leur vie à un congrès scientifique ; des comparses posant des questions…en plus des spectateurs lambda…

M.Loyal : Mmes et Mrs je déclare ouvert le 1er Congès international de l’Académie des sciences sainteniçoise et je passe la parole à Mme la Mairesse…

Mme la Mairesse : Bonjour Mmes et Mrs, je vous remercie dêtre venus aussi nombreux dans notre belle ville de Saint-Nic pour inaugurer notre nouvelle Académie des sciences qui, votre présence le prouve, n’a rien à envier à celles des capitales. J’espère que vous trouverez le temps, malgré l’intensité de vos travaux, de visiter notre merveilleuse église ancienne, notre superbe mairie à l’architecture contemporaine, notre magnifique salle de spectacle où je rêve d’assister à la représentation de ‘La cantatrice chauve » ce qui me rappellerai ma jeunesse … et d’apprécier de l’extérieur la magnifique école en cours de rénovation. Je vous souhaite de travailler avec acharnement à vos travaux scientifiques, et pour ma part je dois vous quitter, mes charges de mairesse me laissent peu de temps libre, mais je demande à M. mon adjoint de me représenter. Je ne doute pas qu’il me fera un compte rendu fidèle de vos travaux académiques. Elle s’éclipse(au fond de la salle si besoin).
M.Loyal : je donne la parole au 1erconférencier et président de ce congrès M. Michael Zemp, chercheur éminent de l’université de Zurich, en Suisse, pour ceux qui ne le sauraient pas… qui va nous parler de sa dernière découverte  »la fonte des glaciers »… à vous cher confrère…

1er conférencier : merci cher confrère… En effet je suis sur le point de publier dans l’éminente revue Nature (prononcez à l’anglaise ça fait plus chic) avec mon éminent confrère Emmanuel Thibert, glaciologue à l’université Grenoble Alpes et à l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture, qui s’excuse de ne pouvoir être parmi nous aujourd’hui et m’a demandé de le représenterle résultat fondamental suivant : le poids des glaciers fondus sur l’ensemble de notre planète depuis un demi-siècle est de 9 600 milliards de tonnes. Au début de cette recherche il y a mon éminent collègue, le docteur Marin, malheureusement aujourd’hui décédé et dont j’honore la mémoire ; c‘est lui qui a mesuré le poids de départ. 1er spectateur de mèche : M.le professeur pourriez-vous nous dire comment vous avez pu effectuer cette mesure ?

1er conférencier : ce sont mes thésards qui ont parcouru la planète, sac au dos bourré d’appareils de mesure adéquats… ne m’en demandez-pas plus… Je suis seulement le directeur éminent du laboratoire de glaciologie de l’éminente université de Zurich. Je passe la parole à Melle Martin l’une de nos plus éminentes thésardes promise à un bel avenir scientifique

1ère thésarde : je vous corrige M. le directeur, veuillez m’appeler Mme. selon une récente décision ministérielle qui a abolie le terme de Melle…

1er conférencier : excusez-moi Melle… oh Mme… je n’en pas encore pris l’habitude … et puis je trouve charmant ce nom de Melle… Maintenant dites-nous tout sur le poids des glaciers fondus… 1er thésarde : déjà je voudrais ajouter que cette fonte des glaciers a entraîné une élévation du niveau de la mer de 2,7cm et a ainsi contribué à 25 % à 30 % de la hausse globale. Ce sont des photos aériennes et satellitaires, des mesures de précipitations et de fonte à l’aide de carottages, de 19 000 glaciers du monde, données recueillies entre 1961 et 2016, qui ont conduit à ces résultats.

2ème spectateur de mèche : Mme avez-vous remarqué une accélération de ce phénomène au cours des années ?

1ère thésarde : je passe la parole à mon collègue M. Martin qui a fait les calculs …

2ème thésard : en effet la perte de poids des glaciers s’est accélèrée au cours des trente dernières années, particuliérment pendant la décennie 2006-2016. On prévoit quà ce rythme la majorité des glaciers aura disparue dans la seconde partie de ce siècle, donc la majorité des réserves glacières d’eau douce pour de nombreuses régions et une contribution à l’élévation de la hauteur de la mer.

1er spectateur de mèche : M. est-ce la seule cause de l’élévation du niveau de la mer ?

3ème thésarde : la dilatation thermique des océans provoquée par l’élévation de la température de l’atmosphère y contribue aussi pour 29 %.

4ème thésard : le GIEC, Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, évoquait en 2013 une élévation du niveau des mers de 26cm à 98 cm d’ici à la fin du siècle

1er conférencier : ceci est fort compliqué… 

M.Loyal : maintenant je passe la parole à mon éminent confrère Jan Minx de l’Institut allemand MCC, Institut Mercator de recherche sur les biens et le changement climatique pour le 2ème exposé de ce 1er congrès international de l’Académie des sciences saintniçoise… qui parle parfaitement français, je l’en remercie…à vous cher confrère…

2ème conférencier : Bonjour Mmes et Mrs. je vous remercie de l’honneur que vous me faites en m’invitant à… … … Je voudrais vous dire solennellement qu’il y a ce que j’ai appelé dans ma dernière publication à venir  » une urgence immédiate »… et pour vous en parler je passe la parole à M. Martin, thésard, français de surcroit, grâce à cette merveilleuse invention européenne dont nous n’avons qu’à nous louer tous les jours, j’ai dit ou plutôt je dis  »Erasmus »du nom de ce grand homme de notre civilisation européenne… En effet M.Martin travaille sur ce sujet depuis un an dans mon laboratoire…
5émethésard : on sait que le CO2 sous sa forme gazeuse, dans l’atmosphère terrestre, provoque ce qu’on appelle un  »effet de serre » conduisant à une élévation de la température de cette atmosphère. Et la concentration du CO2 dans l’atmosphère est au plus haut depuis 3 millions d’années ce qui va conduire à une hausse dramatique de la température de la planète et du niveau de la mer en quelques siècles. Ceci provoque des modifications importantes du biotope humain et souvent cataclysmiques pour les populations, dont cetaines n’ont pas d’autre choix que de migrer pour survivre je passe la parole à ma collègue Joséphine qui travaille à l’élaboration d’une solution remède à cette situation…

Le 2ème conférencier : je voudrais vous dire M. et Mmes ma fierté d’avoir dans mon laboratoire ces jeunes qui sont le fruit de l’excellence des universités françaises et je suis sûr qu’ils ont devant eux un brillant avenir scientifique, car ils sont l’exemple même du raisonnement scientifique : à tout problème ? il y a une solution ! … et pas seulement en mathématique…

Le 1er conférencier : cher confrère je suis tout à fait d’accord avec vous…


M.Loyal : Joséphine, pourriez-vous nous parler des conséquences de cette extraordinaire découverte ? Nous sommes toutes ouïes….

6ème thésarde : les observation, les mesures et les calculs conduisent à penser qu’il nous faudra extraire de l’atmosphère terrestre 1 000 milliards de tonnes de CO2 au cours de ce siècle pour y limiter le réchauffement global à 1,5°C…

Un comparse dans la salle : votre annonce est révolutionnaire ! Quelles solutions préconisez-vous pour le faire ?

6ème thésarde : avec des machines qui extraient directement le CO2 de l’air, il serait possible d’en retirer 250 milliards de tonnes d’ici à 2 100 et la replantation de forêts permettrait de capter 180 milliards de CO2.

Le 2ème conférencier : continuez je vous prie… quelle machine avez-vous imaginé ? Ce n’est quand même pas un rateau ! Je n’ai pas encore eu le temps de relire ma publication…

7ème thésard : plusieurs techniques de captage peuvent être mises en œuvre. La 1ère, de grandes machines extrayant le CO2 de l’air ; la 2ème, des centrales à biomasse qui brûlent des arbres dans une installation qui capte le CO2 envoyé dans les profondeurs du sol ; mais aussi des solutions plus simples : replanter et étendre les forêts existantes, broyer et étendre certains types de roches qui absorbent le carbone ; nombreuses de ces méthodes ont des effets secondaires majeurs, par exemple la concurrence avec les terres déjà utilisées pour nourrir les populations ou pour préserver la faune sauvage…

Le 1er conférencier : je vois…je vois… vous préconisez la machine pour sauver l’homme et l’animal !

8ème thésard : la 1ère machine vient d’être installée en Islande. Une machine de la taille d’un garage, alimentée par une centrale géothermique voisine, aspire l’air à travers un filtre chimique qui extrait le CO2, alors injecté à plus de 700m sous terre ; le gaz réagit avec la roche basalmique en se transformant en un minéral solide. Ce captage direct dans l’air du CO2 et sa séquestration à l’aide d’une multitude de ventilateurs, compresseurs et de techniques chimiques représente probablement la voie la plus simple…

M. Loyal : démonstration brillantissime !

Un spectateur de mèche : et ça coûterait combien ?

9ème thésard : son coût est estimé à 90€ la tonne de CO2 captée.

M.Loyal : existent-il d’autres méthodes qui nous permettraient d’aller plus vite ? Et moins cher ?

10ème thésard : en effet ces machines vont coûter beaucoup d’énergie, géothermie pas disponibles partout, solaire ou éolienne, qui vont prendre beaucoup de surface… aussi la priorité est d’empêcher de nouvelles émissions de CO2… 2

M.Loyal : votre synthèse est lumineuse. Voici le moment de conclure ce congrès de…. Aussi je passe la parole à M.le professeur émérite qui nous a fait l’honneur de présider…

1er conférencier : Merci de me donner la parole… quelle responsabilité. Je résume : l’histoire, avec un grand H n’a pas changé depuis l’arrivée de la vie sur Terre. Les plantes se nourrissent du CO2 atmosphérique, vivent, meurent et se décomposent en s’enfouissant, en charbon ; les animaux et les hommes se nourrissent de l’oxygène rejeté par les plantes, vivent , meurent, s’enfouissent et se décomposent en gaz et en pétrole. Ce qui a changé c’est les proportions : beaucoup plus d’animaux et d’hommes avec ses machines énergivores et moins de plantes…

Merci de votre invitation, cela me rappelle ma jeunesse… cette plage charmante… quelle belle région vous avez !

M. ou Mme Loyal au public : Mmes et Mrs il me reste à vous remercier et à vous inviter à partager le verre de l’amitié. Toutefois si certains des conférenciers vous ont peut-être étonnés ou même choqués en voici la raison : pour remplir les estrades des congrès, colloques et autres voyages d’agrément, on ne trouve que des chercheurs éminents, retraités depuis belle lurette, somnolents et corrigeant les fautes d’orthographique pendant les soutenances des thèses, donnant aux correspondants de presse l’opportunité de faire publier des articles les honorant auprès de leur famille et aux élus d’apparaitre plus intelligents le soir en famille.

Applaudissez les futurs thésards et futures thésardes de Saint-Nic, les seuls sérieux et en possession de tous leurs moyens, qui, je l’espère, vous ont éclairé sur les enjeux du réchauffement climatique à Saint-Nic et ailleurs.


A tous je dis : à l’année prochaine ! Pour le 2ème…

Scénario rédigé par quelqu’un qui en connaît un bout… un plagiat de Ionesco !

D ‘après le Monde du 10 avril 2019 – Pour la Science n°498, avril 2019…

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