Exposition La rumeur d’Orléans

 » La preuve que la lune est habitée, c’est qu’il y a de la lumière. » Francis Blanche.

La rumeur d’Orléans – mai-juin 1969

Un panneau d’après la Rumeur d’Orléans – Edgar Morin – 1969 – Edit. Seuil.Loire_à_Bréhémont2

Info, prêt : genevieve.terriere@orange.fr

En mai 1969, un bruit se répand qu’un…six magasins d’habillement féminin du centre ville, tenus par des commerçants juifs, organisent la traite des blanches. Des femmes sont droguées dans les salons d’essayage, déposées dans les caves, évacuées de nuit vers des lieux de prostitution..

Il n’y a aucune disparition dans la ville, rien qui puisse servir de point de départ à la rumeur.

Elle a démarrée chez des collégiennes ou lycéennes : milieu clos, population vivant dans l’inexpérience du monde social. Les premiers adultes touchés ont été des parents ou des enseignants.

L’information circule de bouche à oreille, sans la presse :  » La femme d’un policier a dit à sa voisine qui est ma copine que… ».  » L’infirmière qui est allée de nuit à l’hôpital pour réanimer les femmes droguées a dit à ma tante que… ».

Ainsi le mythe devient réalité car la source est la plus sûre, policière ou hospitalière et attestée par la confiance en la parenté, l’amitié, le voisinage.

Puis le mythe déborde de la jeunesse féminine, chez les enseignants, les parents, les collègues, dans tous les lieux de papotage… de la place du marché part un début de panique.

Les disparitions prolifèrent… Un réseau de six magasins, tous juifs, dont un magasin de chaussures où la drogue est inoculée par une aiguille fichée dans le talon du soulier.

Des enseignantes mettent en garde, des mères de famille interdisent ces boutiques.

La virtualité antisémite commence à s’actualiser.

Le mythe commence à rencontrer des réfractaires : « C’est ridicule… c’est pas possible… » Pour les hommes : « C’est une histoire de bonne-femme…« Intéresse sur le plan grivois…L’inspecteur de police dément. Le procureur de la République fait mener une enquête discrète sur les commerçants… faux bruit, abandonne l’affaire, un journaliste se porte garant…

L’incrédulité, la lucidité ou l’élucidation loin d’être un obstacle, donne un feu vert.

Dès lors la rumeur prolifère :  » Les boutiques sont reliées entre elles par des souterrains débouchant sur la Loire où de nuit un bateau, un sous-marin, vient chercher sa cargaison... » Les disparitions se multiplient: « Comment se fait-il que la police n’arrête pas les trafiquants… ». «  Les policiers, le préfet, la presse ont été achetés par les juifs… Un pouvoir occulte règne dans les souterrains… ». Des voix téléphoniques anonymes réclament à un commerçant de la chair fraîche, des adresses à Tanger…

La contre-offensive se développe alors avec vigueur. La L.I.C.A., le M.R.A.P. et la presse parisienne sont alertées. La presse, les politiques, la police régionaux réagissent. La rumeur peut être considérée comme anéantie, mais de multiples sous-rumeurs rôdent… « Il y a un allemand là-dessous… c’est une histoire de gros… c’est une histoire de commerçants rivaux… »

La rumeur s’est repliée sur un soupçon insistant : » On nous cache quelque chose… il n’y a pas de fumée sans feu... »

Cette rumeur a durée 2 mois avec des séquelles pendant un an.

La rumeur d’Orléans n’est pas la première rumeur de ce type. Des rumeurs construites sur le même scénario ont surgi ailleurs, mythe plongeant dans les grandes profondeurs de l’inconscient d’une partie du corps social : on trouve le thème du salon d’essayage piégé dans l’univers de la fiction à bon marché, dans le journalisme à sensation…

 

 

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